Si vous achetez des poissons chez un poissonnier, vérifiez d'abord l'aspect
physique et vestimentaire du commerçant. Si celui ci vous fait penser
à un rescapé d'une Transat en solitaire, changez de commerçant.
Vérifiez ensuite les locaux. Si ceux ci, par l'aspect et l'odeur, vous rappellent les plages du Guilvinec à marée basse en période d'équinoxe, fuyez.
Intéressez-vous ensuite au poisson. Il doit être présenté
sous une grande quantité de glace fondante qui le lave et le rafraîchit.
Il ne doit pas avoir d'odeur, ou une faible odeur de marée.
Seule exception : les sélaciens, famille de la roussette et des requins,
dont les chairs contiennent naturellement un peu d'ammoniac.
Le mucus qui recouvre la peau du poisson est transparent. Il devient jaune et
poisseux sur un vieux spécimen.
Les couleurs sont vives. Elles se ternissent et disparaissent avec le temps.
Savez vous que le hareng très frais n'a pas de tache rouge derrière
l'oeil? Cette coloration sanguine n'apparait que quelques heures après
la pêche et l'arrivée sur les marchés de gros. D'où
la raillerie des pêcheurs qui appellent ces poissons des "harengs
parisiens".
L'il est bombé, la pupille noire et pétillante d'intelligence
(je m'avance sans doute un peu). Avec le temps, il se creuse, semble frappée
de cataracte laiteuse et sa pupille devint grise.
Les branchies sont rouge vif et n'ont pas d'odeur marquée.
La chair est ferme. Deux manières de vérifier : prenez un poisson
de taille petite ou moyenne, un maquereau par exemple, par la tête. Si
le corps reste ferme, horizontal ou dressé, c'est un signe de fraîcheur.
Les agents des services vétérinaires disent, de manière
figurée, que le poisson à vingt ans
Si le corps est flasque
et pendouille lamentablement, rejetez ce vieux poisson.
Pour les gros poissons, genre saumon ou thon, appuyez sur les muscles du dos.
Si l'empreinte s'efface, le poisson est frais. Si l'empreinte persiste, comme
sur les jambes démateuses de votre tante Agathe qui a couru toute
une journée dans des magasins surchauffés en période de
Noël, abandonnez ce poisson (pas votre tante).
Les agents des services vétérinaires utilisent d'autres critères
pour évaluer la qualité des poissons devant être saisis,
mais ceux décrits ci dessus sont suffisants pour apprécier la
fraîcheur de votre future nourriture.
Les coquillages et les crustacés doivent être vivants. Touchez la chair d'une huître, elle doit se rétracter, voire refermer sa coquille.
Si vous pêchez, en zone fluviale ou marine non polluée, utilisez une glacière. Mettez-y votre poisson après lui avoir retiré les branchies, ce qui le vide de son sang. Rapportez le poisson le plus rapidement possible dans votre cuisine, éviscerez le soigneusement. Lavez le à grande eau, ce qui diminuera la charge en bactéries et fera partir les éventuelles mauvaises odeurs. Mettez dans un sac plastique ou un de ces récipients hermétiques qui nous ont été apportés par les américains (merci Monsieur T ..ware) et placez au bas du réfrigérateur.
Vous pouvez également utiliser des filets surgelés, ce qui évitera tout risque parasitaire. Rejetez les filets qui comportent des zones brunes, moins belles et parfois malodorantes, correspondant au ventre de l'animal. Faites décongeler lentement au bas de votre réfrigérateur. Un mauvais filet rendra beaucoup d'eau à la décongélation. Ceci est signe d'une mauvaise technique de congélation : les cristaux de glace qui se sont formés ont percé les membranes des cellules. La texture sera sèche et molle, changez de fournisseur.
N'utilisez pas de filets préparés par un poissonnier. C'est parfois un moyen de redonner une fraîcheur fallacieuse à un poisson un peu passé, que le consommateur refuserait si on lui présentait entier.
Poissonnerie, Challaye "Japon illustré", Larousse 1915
Mouches vertes piquant
Les yeux des poissons morts
Quelle chaleur
Chiryű
" Près de ce pont [le Nihonbashi, à Tokyo],
d'ou le regard peut se reporter sur le Foudji-yama, s'étend le marché
aux Poissons. Ici point de ces vastes bâtiments comme on en voit au centre
de nos grandes villes. Le marché en question consiste simplement dans
un réseau de rues étroites, que bordent de légères
constructions servant à la fois d'échoppes et d'habitations. Les
denrées, étendues pêle-mêle, sont jetées jusqu'au
milieu de la voie. Une population affairée, grouillante, circule entre
des monceaux de marée fraîche, de poissons secs ou salés,
péchés en pleine mer ou dans les rivières avoisinantes.
C'est non seulement un marché, mais un vaste atelier de salaisons. Partout
les coolies s'occupent mettre en caque du poisson de toute sorte nouvellement
débarqué, en le saupoudrant de sel et en comptant chaque pièce
sur un ton dolent et nasillard tout fait caractéristique. Pour ne pas
commettre d'erreur dans ces différentes manipulations, chacun d'eux répète
machinalement le chiffre énoncé jusqu'au moment de passer au numéro
suivant.
Bien que le marché de Nihon-bachi ne soit pas d'une étendue énorme,
on pourrait croire, voir la variété des espèces, que le
poisson du monde entier y a été réuni, au plus grand détriment
des sens olfactifs. Il ne tiendrait même qu'à moi, grâce
mon cicérone japonais, d'y suivre un vrai cours d'ichtyologie. Les anagos
ou anguilles de mer frétillent auprès des isybis ou langoustes
et à coté des ounaghis ou anguilles d'eau douce. Les poulpes hideux
étalent leurs bras lisses et visqueux à coté de monstres
marins à bec pointu.
Plus loin se pressent des monceaux de chair rouge foncée, en tout semblable
à celle du buf, et provenant de Virouka ou marsouin. Quant aux
coolies, préposés à ce commerce illimité, ils courent
dans tous les sens, amoncelant Pélion sur Ossa, monstres marins sur monceaux
de crustacés. En voici deux, notamment, qui traversent la rue avec un
requin suspendu à une forte tige de bambou jetée d'une épaule
à l'autre. L'énorme squale, déposé dans une échoppe
voisine, est aussitôt découpé par pièces, à
l'aide d'un puissant coutelas. Et, comme pour contraster avec les hideurs de
ce corps ensanglanté, surgit tout à coté une véritable
montagne de menu fretin aux écailles rubescentes. Peu de poisson à
chair saumonée, mais, en échange, une variété infinie
de coquillages, grands et petits ! Puis, voici le taï, le hiram, le tara,
le kouroumayhi, le huy, le kamasoli, le fougou, le hobo, espèces que
je n'ai jamais rencontrées ailleurs. Elles forment un amalgame aussi
pittoresque que varié de poissons de tout genre, de toute grandeur et
de toute qualité. C'est un assemblage grouillant, luisant, bleuissant,
bien digne de tenter la brosse d'un peintre réaliste. Si nos anciens
maîtres flamands pouvaient revivre, ils y trouveraient mille éléments
nouveaux, évidemment applicables à l'épisode de la pêche
miraculeuse, le sujet de leurs intimes prédilections.
Il faut cependant nous arracher au spectacle. Les senteurs nauséabondes
que répand la fétide population des mers exposée au soleil,
nous engagent en outre ne point différer plus longtemps notre sortie
du marché. Pour le voyageur qui prétend visiter Tokio de fond
en comble, il lui faudrait, d'ailleurs, souvent renoncer au sens qui nous fait
tant aimer les fleurs. Je connais peu de cités aussi fécondes
en parfums de mille sortes, aussi désagréables, pour tout dire,
que l'est, sous ce rapport, Tokio en général, et la ville marchande
en particulier. "
Isidore Eggermont, conseiller de la légation belge durant l'hiver
1876-1877. L'orthographe est d'époque, ainsi que l'attitude quelque peu
condescendante.
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