Hiroshige : un banc de poissons (1832). Omon hata (mérou à taches jaunes) et Shiro (tile, Branchiostegus argentatus). La plante est une pousse de wasabi.
Le pinceau d'un véritable artiste est vivant.
Ses dessins de poissons vous mettent en appétit.
Le wasabi est souvent comparé au raifort, du fait de leur caractère âpre, mais il s'agit de deux plantes différentes, de la famille des crucifères (comme le chou, la moutarde et le colza).
Wasabi s'écrit en japonais avec les caractères signifiant "rose trémière de montagne", du fait d'une ressemblance avec les feuilles de cette plante. Cette plante n'a rien à voir avec la rose trémière de nos jardins qui d'ailleurs n'est pas une une rose (rosacée), mais une malvacée (famille de la mauve) et n'a aucune âcreté, bien au contraire.
Wasabia (ou Eutrema) japonica est un végétal difficile à cultiver, nécessitant des soins constants contre les insectes, des irrigations soignées avec de l'eau claire. Il se passe généralement deux ans entre la plantation et la récolte de rhizomes, pour un rendement assez faible. Toutes les parties de la plante contiennent des composés aromatiques, mais seules les tiges souterraines, les rhizomes, sont utilisées pour le Wasabi de qualité. Le wasabi est gratté, juste avant d'être consommé, sur une râpe de métal, de porcelaine. Voire sur une peau de requin, car ces poissons ont des écailles si dures qu'on a pu l'utiliser pour poncer le bois.
Celà dit, la plupart des préparations vendues en Occident, en poudre ou en crême ne sont que des ersatzs confectionnés avec d'autres crucifères, comme le radis japonais, colorés en vert. Le prix et la rareté du vrai wasabi expliquent ces pratiques frauduleuses.
" Désormais, le Directeur-Manyô était
devenu le Maire-Manyô. En fait, il n'exerçait plus cette fonction,
mais ce surnom lui était resté de l'époque où il
était maire. Quand il avait quitté l'enseignement, au poste de
directeur de l'école primaire de Mishima, il avait décidé
de reprendre sur le tard la culture du wasabî*, à laquelle son
père avait consacré toute sa vie. Il comptait finir ainsi ses
jours, mais à peine avait-il regagné son village qu'on l'avait
tiré de chez lui et qu'on lui avait forcé la main pour qu'il acceptât
d'être maire. Son premier mandat touchait à sa fin quand le village
fut intégré à une commune, dont il avait dû prendre
la direction pour un nouveau mandat. L'année passée, invoquant
des raisons de santé, il avait enfin pu reprendre sa liberté.
Ainsi qu'il le souhaitait, il s'était mis à la culture du wasabi,
mais il devait cependant passer souvent à la mairie pour des questions
dont il s'était occupé en tant que maire.
Faire pousser du wasabi, c'était prendre la succession de son père,
et c'était aussi réaliser le rêve que Kyôshirô
n'avait pas oublié pendant toute la période où il avait
enseigné. Tous les jours, il demandait donc à son neveu et à
sa femme, auxquels il prêtait l'aile principale de la maison, d'aller
inspecter les cultures à sa place. Elles n'étaient pas très
importantes, mais il possédait près du col d'Amagi un parc à
wasabi d'une vingtaine d'ares que lui avait cédé son père.
À l'époque où il travaillait, il l'avait loué, mais,
désormais, cet espace était de nouveau entre ses mains. Il confiait
toute son exploitation à une main-d'uvre qui lui coûtait
fort cher, mais ainsi gagnait-il du moins de quoi s'acheter des livres.
Kyôshirô allait quelquefois inspecter son parc à wasabi.
Si l'eau n'est pas propre, le wasabi ne se développe pas. De plus, il
demande une quantité constante à température égale,
été comme hiver. Il lui faut une eau de source sans la moindre
impureté. C'est une plante fort susceptible, mais Kyôshirô
appréciait ce caractère exigeant. La culture se fait sur un lit
de pierres. À une profondeur d'environ un mètre, on aligne de
grosses pierres, ensuite, on en met des moyennes, puis c'est le tour des petits
cailloux, qu'on recouvre finalement d'une couche de sable sur une épaisseur
d'une quinzaine de centimètres. On y plante le wasabi, et on y fait couler
une eau claire, sans cesse. Le parc est construit en plusieurs étages
orientés dans le sens du courant. Quand il voyait son parc à wasabi
creusé en escalier dans les plis profonds de la montagne d'Amagi, Kyôshirô
se sentait de nouveau purifié dans son esprit et dans son corps."
Inoué Yasushi, "Une voix dans la nuit". Un vieil homme, renversé par une voiture entend les voix des démons qui ruinent le Japon moderne. Tel Don Quichotte, il part avec sa petite fille de quatre ans, qu'on lui avait confiée, une fugueuse et un chauffeur de taxi, guidé par ses voix et par les poésies du Manyô-shû, une oeuvre poétique du VII ème siècle.
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