La première algue vivant en symbiose avec un végétal supérieur a été découverte : elle a choisi le plus ancien (1) d'entre eux, le Ginkgo biloba.
Le Ginkgo biloba, fossile végétal vivant, est le seul survivant de l'ordre des ginkgoales qui a atteint son apogée à la fin du Jurassique et au début du Crétacé, il y a quelque 200 à 150 millions d'années. Cet arbre, contemporain des dinosaures, intrigue les botanistes. Ses feuilles bilobées sont en éventail, vestige de son lointain passé. Ses gamètes mâles sont mobiles et attestent d'un mode de reproduction en environnement aqueux, proche de celui des fougères. Il est très résistant aux insectes, à la pollution atmosphérique ou encore aux rayonnements ionisants : à Hiroshima, un ginkgo a résisté à la déflagration du 6 août 1945 (2). Enfin, il dispose d'une exceptionnelle longévité : le plus vieux a 3 000 ans et se trouve au Temple Dinlinsi dans la province de Shandong, en Chine. Qui plus est, Jocelyne Trémouillaux-Guiller (UPRES-EA 2106) à l'Université François Rabelais de Tours, a découvert, dans des cellules de ginkgo, une algue unicellulaire qui vit en symbiose avec son hôte.
Dans le monde végétal, les symbioses sont fréquentes :
par exemple, le lichen résulte de l'association d'une algue et d'un champignon.
Par ailleurs, Ginkgo biloba est connu pour héberger dans ses racines
des champignons parasites ou symbiotiques. Cependant, pour la première
fois, une algue a été identifiée à l'intérieur
des cellules d'un végétal supérieur.
Dans un premier temps, l'examen au microscope électronique de cellules
cultivées a révélé que cette algue, d'une taille
de trois à cinq micromètres, a un noyau : elle est eucaryote.
Ultérieurement, à l'aide d'une autre culture cellulaire de Ginkgo
biloba, les biologistes ont mis en évidence l'intense prolifération
de l'algue à l'intérieur des cellules en voie de nécrose.
À mesure de la multiplication de l'algue, les cellules de ginkgo enflent,
puis se rompent et libèrent leur contenu d'algues dans le milieu extérieur.
La prolifération de l'algue est ainsi liée à la mort des
cellules hôtes. On ignore encore le mécanisme qui déclenche
la multiplication intense de l'algue. Cultivées en milieu liquide, ces
algues sont devenues autonomes et ne nécessitaient qu'une source lumineuse
pour subsister.
Après avoir découvert la présence de l'algue dans des cultures
de cellules de Ginkgo biloba, on a détecté l'algue à l'intérieur
d'une cellule vivante de ginkgo. Il s'agissait d'une forme mature et de formes
immatures. L'algue réside en permanence dans les cellules de son hôte,
vraisemblablement sous sa forme la plus immature. Elle n'a alors aucune activité
photosynthétique. De plus, étant donné les difficultés
que l'on a pour la démasquer, elle n'est sans doute pas présente
dans tous les arbres, ni dans toutes les parties de la plante ni dans tous les
types cellulaires d'une même zone.
L'étape suivante a consisté à identifier cette algue verte
par l'analyse des ARN ribosomaux. Ainsi, l'endosymbiote appartient à
la classe des Trébouxiophytes, dont plusieurs membres sont connus pour
être des symbiotes d'invertébrés ou de champignons, par
exemple. Les analyses moléculaires indiquent une étroite relation
phylogénique de l'algue verte découverte avec Coccomyxa, une algue
unicellulaire présente dans certains lichens. L'association de cette
algue avec Ginkgo biloba est un nouveau type d'interaction de deux plantes.
© POUR LA SCIENCE N° 297 Juillet 2002
(1) Est ce vraiment la plus ancienne espèce d'arbre ? Il me semble que
ce serait plutôt le Cycas qui pourrait se prévaloir de ce titre.
(2) Encore cette histoire. Quel est l'avantage adaptatif d'une telle résistance?
A la lecture de cet article, il me vient une question, sans réponse : la symbiose est une association à bénéfices mutuels. Qu'est ce que l'algue apporte réellement au Gingko? Et vice versa...
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