Pu Yi (1906-1967) fut le dernier empereur de Chine. Désigné empereur à l'âge de deux ans par sa grand mêre adoptive, la redoutable Tseu hi, il fut déposé par le fondateur de la république chinoise Sun Yat -Sen en 1912. Chassé de la Cité interdite en 1925 par les républicains, Pu Yi s'exila dans la terre de ses ancètres, la Mandchourie.
Tandis que les communistes et le Koumintang de Tchang Kai-chek s'entredéchiraient, l'ancien Empereur allait tomber sous l'influence des militaires japonais de l'armée du Kouantoung.
En 1934, les militaires favorisèrent la création d'un empire du Mandchoukouo, satellite du Japon. En 1940 ils forcèrent Pu Yi à se convertir au Shinto et à renier ses ancètres.
"Je devais donc accepter la " Déesse du Soleil dont les
Rayons Illuminent le Ciel ", ancêtre de la famille impériale
nippone et déclarer son culte religion d'état du Mandchoukouo.
On ne pouvait trouver meilleure occasion d'introduire cette grande déesse
dans le nord est puisqu'on célébrait justement cette année
là le deux mille six centième anniversaire de l'empereur Jimmu,
le premier [...] A la grande surprise de l'armée du Kuantoung, la population
ne fut pas la seule à se défendre de toutes ses forces contre
la foi nouvelle - on s'y attendait. ; même les traîtres chinois
cette fois mirent une mauvaise volonté évidente à coopérer
à la campagne. Quant à moi, je me sentais violé dans le
tréfonds de mon âme[...]
Ma sécurité dépendait de ma soumission aux Japonais, cela
suffisait pour faire pencher la balance. D'ailleurs là encore je finis
par trouver une solution de fortune : je continuerais à rendre hommage
à mes propres Ancêtres chez moi, tout en me déclarant en
public favorable à la nouvelle religion.
Fort de ma décision , [...] je rencontrai Hiro Hito et lui lus le
texte préparé par la Plume de Yoshioka [le "conseiller"
japonais] : en vue de réaliser l'union de la Vertu et de l'Ame de nos
deux pays, j'espérais que sa Majesté le Tenno me permettrait de
célébrer au Mandchukouo le culte de la " Déesse du
Soleil dont les Rayons Illuminent le Ciel ". L'Empereur du Japon m'accorda
une réponse très brève : Si telle est la volonté
de Votre Majesté, force nous est d'accéder à Vos désirs
!
En prononçant cette phrase, il se leva et induqua du doigt trois objets
posés devant nous sur une table : un glaive, un miroir de bronze et un
morceau de jade incurvé, les trois symboles sacrés Pendant que
le Tenno m'expliquait la signification de ces symboles, je me disais qu'à
Pékin on trouvait de tels objets chez n'importe quel antiquaire digne
de ce nom. Etaient-ce là des divinités sublimes ? Etaient-ce là
mes Ancêtres. Sur le trajet de retour, j'éclatais en sanglots [...]
et le 15 juillet 1940, écrasé par le mépris et la malédiction
de toute la population du Nord Est, je publiai le Rescrit pour la Consolidation
des bases de la Nation ".
Dans cet extrait de son autobiographie, on remarquera la lucidité de l'empereur mandchou quant au caractère "sacré" d'objets aussi banals. Rappelons que le sabre d'Amaterasu était censé avoir disparu avec l'empereur enfant Antoku à Dan no Ura.
Le Mandchoukouo, de plus en plus inféodé aux japonais s'écroulera avec eux ; Pu yi sera finalement capturé par les russes et livré à Mao. Emprisonné, "rééduqué" il deviendra jardinier, chercheur dans un institut politique et décèdera en 1967 d'un cancer.
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