Pour son malheur, le Japon avait la réputation d'être fort riche, peut être parce que toutes les pauvres ressources du pays étaient concentrées à la cour. Selon les historiens arabes du IXème siècle, même les chaînes des chiens étaient en or! Autre explication : l'or et l'argent y étant aussi rares l'un que l'autre, de sorte qu'il n'y avait pas de décote de un à dix comme en Chine entre ces métaux . Ceci permettait aux Coréens d'éffectuer de fructueux échanges entre Chine et Japon.
Kubilai, petit fils de Gengis Khan, réalisa le rêve de son grand père : la conquête de la Chine. Maître de la Corée ravagée par ses troupes, il ne chercha pas à envahir le Japon situé à quelques encablures de la péninsule.
Les ravages exercés par les pirates japonais lui firent cependant perdre patience. En l'absence de réponse à une première lettre demandant la fin des actes de piraterie, puis à une seconde exigeant que le Japon se reconnaisse tributaire de l'Empire mongol, Kubilai décida l'invasion. Les mongols n'ayant aucune compétence maritime, c'est au coréens qu'échut la réalisation de la flotte d'invasion, tandis que les soldats mongols ratissaient le pays pour engranger des vivres.
En 1298, le marchand vénitien Marco Polo, captif des génois dicta en français à son codétenu Rusticien de Pise, le récit des merveilles qu'il disait avoir vu en Orient. Le marchand italien, s'il a jamais visité la Chine, ce que contestent certains historiens, fut ainsi le premier occidental à parler du Japon, Cipango, et à colporter la légende de fabuleuses richesses. Marco Polo n'a décrit, avec une certaine dose d'imagination, que la première tentative de 1274, durant laquelle une partie de l'armée mongole put rejoindre la Corée.
"Cipango est une île qui est dans la haute mer,
au levant, éloignée de la terre ferme de mille cinq cents milles.
C'est une île très grandissime. Les habitants sont blancs et de
belle manière. Ils sont idolâtres et se gouvernent eux mêmes.
Et vous dit qu'ils ont tant d'or que c'est sans fin, car ils le trouvent dans
leur îles. Peu de marchands s'y rendent, parce que c'est trop loin de
la terre ferme, et c'est pour cette raison que l'or y abonde oultre mesure.
Et vous conterai une grande merveille du palais du Seigneur de cette île.
Sachez qu'il y a un grand palais qui est tout couvert d'or fin, comme nos églises
sont couvertes de plomb, ce qui vaut tant qu'à grand peine le pourrait
on compter.
Et encore, tous les pavements du palais et des chambres sont tout d'or, en dalles
épaisses de bien deux doigts ; et les fenêtres sont aussi d'or
fin ; de sorte que ce palais est de si démesurée richesse que
nul ne pourrait le croire. On y trouve aussi beaucoup de pierres précieuses
et beaucoup de poules rouges qui sont bonnes à manger.
Et vous dit que l'on parla à Cublay Khan de la grande richesse qui était
en cette île ; et aussitôt il songea à la faire prendre.
Il y envoya donc deux de ses barons avec grande quantité de navires et
grand nombre de gens à cheval et à pied. Et nommait-on l'un de
ces barons Abacan et l'autre Vonsanicin. Et ils étaient tous deux sages
et vaillants. Et que vous en dirai-je. Ils partirent avec tout leur monde, des
ports de Canton et de Quinsay, et ils se mirent en mer. Tant naviguèrent
qu'ils vinrent en ladite île, et descendirent à terre, et prirent
du terrain et des villages, mais nul bourg ni cité. Il leur arriva enfin
la mésaventure que je vais vous dire. Sachez que le vent du Nord souffla
très fort et fit en cette île grand dommage. Et comme il y avait
peu de ports, la flotte du grand Khan ne put résister à si grand
vent. Aussi pensèrent ils que s'ils restaient là, leur flotte
serait toute perdue."
Une partie de la flotte fait naufrage, un des "barons" abandonne l'autre qui se retrouve seul à livrer bataille à des japonais invulnérables "par la vertu de pierres qu'ils avaient entre la chair et la peau [...] et ces pierres étaient enchantées et avaient telle vertu que celui qui les portait ne pouvait mourir par le fer. Et quand on dit cela aux barons tartares, ils les firent mourir à coup de bâtons. Et quand ils furent morts, ils firent extraire de chacun la pierre et la gardèrent très précieusement".
La tentative de 1281 fut encore plus piteuse. Avertis par les Coréens qui n'avaient rien à espérér des Mongols, les Japonais dressèrent une muraille sur les côtes les plus menacées du Kyushu. Ils avaient appris à se battre contre les envahisseurs : les fusées ne les effrayaient plus.
Tous les hommes valides furent réquisitionnés ; tous les arcs, toutes les armures, tous les chevaux furent recensés et dirigés sur l'armée japonaise. Pendant trois semaines les samouraïs se battirent sur les plages tandis que tous les monastères prièrent Bouddha et les Kamis et brûlèrent des montagnes d'encens.
Enfin les dieux entendront les prières du peuple japonais et daigneront
lancer un typhon, un Vent Divin " Kamikaze ", qui enverra la flotte
des Mongols par le fond.
Ultime avatar des rêves sur les richesses du Japon : en 1492, un génois entra au service des très Catholiques Roi et Reine d'Espagne et obtint une flotte de trois caravelles. C'était un fervent admirateur du livre de Polo, au point d'emporter un exemplaire dans son périple vers l'Ouest.
"Ils allaient conquérir le fabuleux métal
Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines"...
Pensant arriver à Cipango ou chez le Khan, les espagnols et Christophe Colomb atteignirent le Nouveau monde...
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