Comme toutes les estampes ukiyo-e, la vague originale a été peinte sur un premier papier par Hokusai puis reportée sur un papier très fin.

Un graveur a collé le papier et a réalisé une épreuve sur un bois fruitier : il a dégagé les lignes noires du dessin original puis creusé les aplats à la gouge, encré le bois et posé une feuille blanche sur le bloc. A ce stade, Hokusai, au vu de l'épreuve en noir a pu modifier les éventuelles erreurs.

Le graveur a ensuite découpé le papier fin et l'a collé sur autant de blocs en bois de cerisier qu'il y avait de couleurs. En l'occurrence trois : le noir en encre de Chine, du jaune minéral et de l'authentique bleu de Prusse (introduit par les comptoirs hollandais) comme l'éditeur des estampes l'indiquait fièrement dans sa réclame.

 

Les feuilles de papier, réalisées à la main en écorce d'arbre, passaient successivement sur tous les blocs préalablement encrés. Chaque bloc portait deux encoches ( sur un côté et en équerre sur un angle) pour positionner parfaitement la feuille et éviter toute superposition de couleurs. La feuille était soigneusement plaquée sur le bois avec un tampon de papier, pour se charger parfaitement d'encre.

 

  

 

Un extrait intéressant d'un ouvrage de l'historien de l'Art, Henri Focillon : "Hokousaï" ( Librairie Felix Alcan 1925)

La pratique de l'impression en couleurs est significative elle aussi. Les Japonais n'en ont été réellement les maîtres qu'assez tard, puisque c'est seulement en 1765 qu'Harunobou obtint la polychromie des tirages en fixant d'une manière définitive le repérage des planches. Dans la gravure en creux, la couleur ne peut être installée sur le cuivre cilié grâce à un travail de hachures ou de pointillé d'une extrême densité et d'une grande délicatesse. De plus, pour adhérer au creux de la taille comme pour se maintenir en relief sur le papier par petits dépôts parallèles on juxtaposés, il est nécessaire qu'elle soit composée d'une matière grasse, compacte et résistante. Souvent, pour donner plus d'homogénéité au ton, et surtout pour éviter les difficultés d'une gravure par tailles, on substitue systématiquement le grain au trait : l'opacité est alors sans remède. De là l'aspect lourd, huileux et bouché de nos modernes gravures eu couleurs, qui sont probablement ce que l'art de tous les temps a produit de plus vulgaire. Dans la, gravure sur bois au trait, telle qu'elle est pratiquée par les Japonais, la couleur ne saurait être épaissement tassée dans des hachures : elle est disposée avec égalité à la surface de reliefs ménagés à cet effet. Et comme elle n'a pas besoin d'une adhérence très forte pour se fixer sur le papier, elle peut sans inconvénient être légère, fluide et sans mélange. Au lieu de lui donner, afin de la rendre collante, une consistance intime qui gâte et alourdit le ton, les imprimeurs japonais préfèrent étaler sur la planche, avant le tirage, une très mince couche de colle transparente, qui garantit la fixité du ton sans l'altérer jamais. Aussi les couleurs dont ils se servent sont-elles les plus fraîches et les plus transparentes de toutes, - des couleurs à l'eau. Une estampe japonaise est une aquarelle.
L'art japonais s'entoure donc d'une atmosphère limpide. Limpide, non seulement parce qu'elle n'est pas alourdie par le clair-obscur et la complexité du modelé, mais aussi parce que la couleur brille avec une éclatante légèreté sur un fond contre lequel elle ne fait pas épaisseur. L'estampe est aussi pure et aussi franche que le dessin, son modèle. Sur la planche de bois prise dans le sens du droit fil, le graveur circonscrit le trait entre deux incisions assez profondes et le dégage peu à peu de la matière avec des gouges ou des oiselets de différentes tailles, sur lesquels il frappe à coups de marteau. Cette partie du travail peut sans inconvénient être confiée à des femmes, quelques estampes du XVIIIéme siècle nous l'attestent. A la planche du trait noir qui comporte l'installation linéaire du dessin complet viennent se superposer les planches de la couleur, sur chacune desquelles est gravée seulement la partie du dessin qui correspond à un ton. L'impression ne se fait jamais à la presse, mais au tampon ou au frottoir : quelquefois, l'imprimeur pèse délicatement du coude pour obtenir sur l'épreuve un relief répondant à un creux du bois ménagé à cet effet, - relief qui donne aux belles estampes une sorte de cachet d'élégance, de luxe et de rareté.
L'élégance, - c'est là en effet une des qualités séduisantes de cet art, - élégance dans les conditions matérielles du faire, qui se présente comme la solution ingénieuse et rapide des plus surprenantes difficultés techniques, élégance dans la simplicité et la pureté des éléments, élégance dans la beauté calligraphique du dessin, analogue & la cursive japonaise, onduleuse et accentuée tout ensemble, d'un aspect si personnel et si vivant à côté de la lourde quadrature des idéogrammes chinois, l'art de l'estampe ajoute à ces raretés le choix des papiers, l'emploi des rehauts métalliques et des reliefs.
Notre vergé européen, l'antique papier de Hollande, d'une texture si pleine et si résistante, est la plus belle matière qui soit pour porter la richesse des noirs. Il a quelque chose de rude et de généreux : les lumières y paraissent naturellement grasses, nourries et modelées. Le papier auquel nos contemporains donnent le nom de japon est lisse, marbré, d'un ton chaud, fort beau quand il ne tire pas sur le jaune-vert, d'un volume considérable et de ferme tenue. Le papier des belles impressions japonaises semble être encore une matière textile, il se sent des chiffons de soie dont il est fait. Loin d'être dur et claquant comme notre japon moderne, il conserve une homogénéité souple et, dans les tirages les plus anciens, une trame très lâche. Léger et mat, faiblement pelucheux, il ne présente pas cette dureté polie qui donne parfois aux feuilles de japon européen l'aspect de minces tranches de porphyre. Il appartient à la même
famille que ce singulier papier-étoffe appelé crépon, qui mit à la mode, il y a une trentaine d'anées, les regrettables japonaiseries imprimées à l'encre d'ainiline par d'artificieux négociants. Mais, sans être lisse, il n'est pas non plus grenu, " crespelé ". II prend nettement la couleur, sans la faire chatoyer.
En effet le ton n'a pas besoin d'être aidé par le papier qui le supporte. Il ne vise qu'aux harmonies claires et limpides, balancées par quelques noirs mats qui les font valoir, rehaussées selon les cas par des applications discrètes d'or, d'argent ou d'étain. Des dégradés, obtenus sur le bois par un léger frottis du doigt et faisant passer deux notes l'une dans l'autre, des tons rompus, voilés, atténués,-mais, jamais de tons louches. Même dans la peinture de la nuit, d'opaques ténèbres ne viennent jamais noyer la couleur. L'éblouissante vulgarité des impressions modernes reste exempte de notes sales et boueuses. Cette élégance sereine est bien sensible dans l'usage des rehauts. Rien qui sente la lourdeur décorative des Orientaux barbares, une orfèvrerie coruscante, la surcharge des matières, 1'estampe est poudrée par places de lueurs rares qui ne font pas épaisseur : elles semblent mêlées à la trame du papier et faire corps avec lui. Sur le ciel nocturne des chasses aux lucioles brillent doucement des flocons argentins qui, à mesure qu'on incline de droite et de gauche la gravure, font pleuvoir sur elle des notes scintillantes : les parcelles de mica mêlées au ton rendent la nuit plus transparente et plus lumineuse.

 

 

 

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