" Depuis l'âge de six ans, j'avais la manie de dessiner la forme des objets. Vers l'âge de cinquante ans, j'avais publié une infinité de dessins, mais tout ce que j'ai produit avant l'âge de soixante-dix ans, ne vaut pas la peine d'être compté. C'est à l'âge de soixante-treize ans, que j'ai compris à peu près la structure de la nature vraie, des animaux, des herbes, des arbres, des oiseaux, des poissons et des insectes. Par conséquent, à l'âge de quatre-vingts ans, j'aurai fait encore plus de progrès, à quatre-vingt-dix ans je pénétrerai le mystère des choses; à cent ans je serai décidément parvenu à un degré de merveille, et quand j'aurai cent dix ans, chez moi, soit un point, soit une ligne, tout sera vivant. Je demande à ceux qui vivront autant que moi, de voir si je tiens ma parole. Écrit à l'âge de soixante-quinze ans par moi, autrefois Hokusaï, aujourd'hui Gwakiô Rôjin, le vieillard fou de dessin."
La plus célèbre estampe de tout les temps fait partie d'une série consacrée au Fuji par le vieux peintre japonais. Ici le volcan est rejeté sur les côtés de l'image, simple vague se fondant dans l'horizon. Si la vague s'impose à nous, c'est d'abord par son esthétique somptueuse. Sa silhouette s'affronte avec le ciel selon la ligne sinueuse du symbole chinois du Ying et du Yang. L'écume de son sommet se fragmente en une multitude de vaguelettes fractales, semblables à des griffes de dragons menaçantes.
Mais l'artiste nous émeut également en figeant un instant dramatique de la vie de marins embarqués à bord de trois bateaux de charge, pris dans un typhon. Les bateaux mesurant traditionnellement 12 mètres, on peut estimer que c'est un mur d'au moins quinze mètres d'eau qui va s'abattre sur eux. Rien ne permet de dire ce que sera le sort des hommes tapis sur les ponts dans les secondes qui vont suivre.
Mais quel rapport avec la gastronomie, autre que mon bon vouloir, puisque les barques ne sont même pas des bateaux de pêche?
Le mot de la fin appartient au vieux maître. Il existe des variantes de la vague selon la coloration du ciel. Hokusai demandait à ses imprimeurs de diluer l'encre de Chine du haut du ciel selon la transparence du bouillon et d'utiliser pour la partie basse de l'encre concentrée comme de la soupe de pois.
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