Le Japon connut un véritable Age d'or durant la période Heian, du moins si on avait la chance d'appartenir aux hautes classes qui, seules, détenaient pouvoir et richesses.

 

La capitale Heiankyô, " cité de la paix et de la sérénité ", l'actuelle Kyoto ne connut effectivement pas de vraies périodes de guerre, sauf des guerres civiles vers 1156 - 1159, puis en 1180 et des guerres sur les marches du Nord. Autant de gagné pour les simples artisans ou les paysans épargnés par la soldatesque.

Quant à la sérénité, elle ne régnait guère à la cour.

Le curieux pourra lire le " Dit du Genji " de la dame de cour connue sous le sul surnom de Murasaki Shikibu (littéralement " fleur de grémil-Bureau des rites "), qui décrit vers l'an 1000 la vie et les amours multiples et tumultueuses du fils d'un empereur. Le fils d'une concubine ne pouvait rester dans la filiation impériale mais devenait la source ("Gen") d'un clan ("ji") : d'où le nom de Gengi donné à la famille Minamoto, descendante de l'Empereur Daigo.

Le Prince Genji s'amourache de la jeune et nouvelle épouse de son père et lui fait un enfant. Tout ce beau monde vit en vase clos, échange des poèmes à double ou triple sens, sous la surveillance constante des autres courtisans qui guettent les moindres gestes, bruits, attitudes équivoques et ce d'autant plus facilement que le palais ne comporte aucune cloison en dur mais de simples paravents… Le tout dans une ambiance de superstition bouddho-shintoîste pesante : prières permanentes, invasion des âmes par les fantômes d'ennemis défunts… Les visages sont fardés, les dents laquées de noir, on porte des vêtements somptueux parfaitement codifiés...


Autre lecture : " notes de chevet " de Sei Shônagon, le journal intime d'une Saint Simon parfois presque aussi soporifique que le courtisan français mais sans réelle méchanceté, très imbue de sa personne sous des couvert d'une feinte modestie et totalement insensible à ce qui n'est pas la vie de la cour.

Toutes ces oeuvres féminines auront au moins eu le mérite d'être à l'origine de la littérature classique en langue japonaise. A l'époque les hommes écrivaient en idéogrammes chinois, alors que les femmes de noble condition s'autorisaient l'écriture en cursive japonaise. D'où l'anecdote du père de Murasaki Shikibu, désespérant d'apprendre le chinois à son fils et découvrant que sa fille, dissimulée derrière un paravent avait suivi et compris la leçon : "Quel dommage qu'elle ne soit pas née garçon"!

Toyokuni III, illustration du Gengi

 

 

En réalité, depuis le Xème siècle, l'Empereur n'a plus de pouvoirs et est réduit au rôle de symbole religieux. Le clan des Fujiwara a réussi à s'emparer du pouvoir en fournissant ses filles en épouse à l'Empereur et en captant tous le postes de la haute fonction publique. Ceci en infraction aux règles, calquées sur la Chine, de recrutement des lettrés par concours et de promotion par mérite.
Entre membres du clan Fujiwara, des tensions naissent. Les guerriers qui protègent cette société décadente commencent à se lasser... Deux clans vont s'opposer durant une guerre civile de trente ans : les Heike (ou Taira) et les Minamoto (Gengi).


Un film à voir : " Le héros sacrilège " de Kenji Mizoguchi. Kiyomori, fils d'un samouraï découvre que son véritable père serait l'Empereur défunt, dont sa mère fut la concubine. Il défie la puissance des temples et lance le processus de prise du pouvoir par les clans militaires.

 

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