Shintô. Arbre sacré.
Les papiers pliés sont des horoscopes vendus aux pèlerins, surtout à l'occasion des fêtes de début d'année. Ils sont accrochés pour être réalisés, s'ils sont favorables ou dans le cas contraire conjurés...
Au temple d'un dieu
impétueux les nusa
que j'ai suspendus
qu'il veuille me les restituer
puisque m'amie n'ai pu joindre
Poème d'un suppliant mécontent, Hanishi no
Sukune Michimi. "Man Yôshû". (POF édition ; René
Sieffert, traducteur)
Shintoïsme, "voie des dieux". Religion traditionnelle japonaise, fortement teintée par le chamanisme sibérien et la religion des Aînous. Il semble que le Shintô se soit formé surtout en opposition avec le bouddhisme, en fédérant des coutumes anciennes, parfois contradictoires mais les textes chinois anciens sont peu fiables et il n'existe pas de textes japonais avant 712.
Le monde est peuplé d'une infinité de Kami, de dieux peuplant la nature, les arbres ou les rochers, dont les hommes sont les descendants. On s'attire leurs bienfaits par des offrandes, le respect des rites. L'Empereur, demi dieu descendant direct d'Amaterasu o mikami, reste le chef du clergé shintoïste et à ce titre, même sous la coupe d'un Shogun ou des clans de maires du palais, incarne l'esprit du Japon et le consensus national. Il est garant de la fertilité des terres et lance rituellement, annuellement, la culture du riz. La séparation des fonctions politiques et religieuses entre Shoguns et Empereurs a fait croire aux occidentaux que l'Empereur n'était qu'une sorte de Pape.
Le torii ne serait, originellement, qu'un perchoir pour les coqs sacrés.
Le Kojiki, écrit en 712 à la demande de l'Empereur, recense les actions des dieux. Il regroupe les anciennes croyances des divers clans. Mais c'est également un manifeste politique qui fait une part sans doute trop belle au descendant de la déesse Amaterasu, souverain du Yamato, au détriment de Susanoo et de ses descendants.
Au commencement le monde était chaos, d'où se séparèrent le ciel et les eaux. Ensuite vint Kunitokotachi, seigneur de toute choses et deux dieux subalternes. De ceux ci naquirent sept générations de couples frère-soeur.
Enfin vinrent Izanagi et sa sur épouse Izanami. Comme d'autre dieux du Pacifique, ils touillèrent les eaux avec une lance donnée par les anciens dieux et créèrent la première terre japonaise, le rocher d'Onogoro. Sur cette terre, ils édifièrent une colonne et tournèrent autour, dans des directions opposées. Izanami parla la première au moment de leur rencontre et de leur union naquirent deux monstres. Ils refirent un tour de colonne, Izanagi parla le premier et cette fois naquirent de nombreux dieux parfaits et les îles du Japon. Mais à la naissance du dieu du soleil, Izanami brûla et ses fluides vitaux devinrent des dieux.
Izanagi entra dans le monde infernal pour récupérer sa sur-épouse et achever la création du monde. Il découvrit une morte vivante, pourrissante, couverte de vers. Horrifié, il pris la fuite, poursuivi par la morte furieuse et les démons mais réussit à sortir des Enfers. Sur une ultime menace de la sur-épouse, tuer mille nouveaux né par jour, Izanagi jura d'en faire naître mille cinq cent.
Le divorce fut prononcé, la porte des enfers scellées et le dieu se purifia. Chaque vêtement abandonné donna naissance à un dieu, le lavage de ses paupières fit naître deux dieux, dont Amaterasu ; enfin de son nez naquit Susanoo.
Baie de Futamigaura, pierres mariées (meoto iwa). Cette gravure de Shunko représente l'incarnation du couple primordial, près d'Ise. La corde sacrée, Shimenawa, empèche tout passage de démon. Elle était naguère constituée de plants entiers de riz, avec racines et épis pendants. Actuellement, elle se compose de deux torons de paille de riz, avec des pendants de papier, les nigita.
Susanoo se montra odieux dès sa naissance. Il brisa les métiers à tisser de sa sur Amaterasu, jeta un cheval écorché à travers son toit et déféqua dans sa maison. Humiliée, la déesse se retira dans une caverne, plongeant le monde dans les ténèbres.
Grands désarroi des autres Kami, qui pour en être dieux n'en sont pas moins japonais donc déboussolés par une situation inhabituelle. Attirée par la danse sacrée (quelque peu licencieuse) de la déesse Uzume, par son propre reflet qu'elle découvrit dans le premier miroir apparu au Japon (on lui fit croire que ce reflet était sa remplaçante) et par un collier ( des perles de verre ou de pierre dure, en forme de griffe d'ours, sans aucun doute d'origine chamanique), Amaterasu accepta de revenir parmi les siens en échange du bannissement de Susanoo.
Exilé sur terre, le trublion divin réalisa des travaux dignes d'Héraklès. Il découvrit dans le corps du serpent d'Izumo le dernier des trois trésors du Shintô, une épée. (Sur la gravure illustrant ce texte, Amaterasu sortant de la grotte porte déjà le sabre.)
Le sabre sera perdu en mer, lors du désastre des Heike à Dan no Ura en 1185, mais il continuera à figurer dans le trésor royal et sera présenté au dernier Empereur de Chine en 1940. Ceci n'est pas sans rappeler la Sainte Ampoule, contenant le Saint Chrême, miraculeusement apportée du Ciel par une colombe, qui sera détruit par les révolutionnaires mais réapparaîtra pour le Sacre de Charles X...
Devenu roi d'Izumo, Susanoo fut contraint de donner ce trésor à Amaterasu, qu'elle léguera à son tour à son petit fils, fondateur de la famille impériale japonaise.
Par delà le mythe, ceci rappelle les luttes d'influence entre deux foyers initiaux de civilisation, Izumo et Yamato et démontre la profonde influence du chamanisme sur le Shinto.
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