Interdiction de construire des bateaux de haute mer, interdiction à tout japonais ayant fait naufrage sur une côte étrangère de revenir au Japon, destruction de tout navire étranger et mise à mort de son équipage...

Les Hollandais, après l'aide apportée à l'écrasement des chrétiens, étaient les seuls occidentaux autorisés à séjourner au Japon. Ils furent donc les seuls qui pouvaient rapporter des informations, assez incomplètes et souvent peu fidèles, sur le pays du soleil levant.

Engelbert Kaempfer ?

"On ne les tient guère moins resserrés que des prisonniers ou des otages, exposés aux regards les plus exacts d'une foule de surveillants qui sont obligés, par un serment solennel, d'épier leurs actions les plus indifférentes". Engelbert Kaempfer "Histoire naturelle, civile et ecclésiastique de l'empire du Japon", 1729.

Reclus dans l'ilôt artificiel de Deshima, à Nagasaki, les occidentaux vivaient isolés de la population japonaise, à l'exception des visites des interprètes ou de quelques dames du quartier du plaisir.
Quelques membres de la compagnie hollandaise n'étaient autorisés à quitter la petite île de Deshima, en rade de Nagasaki, que pour rendre une visite officielle au Shogun et lui donner des informations sur l'état du monde extérieur. Le voyage de Nagasaki à Edo (Tokyo) était l'occasion de faire quelques observations artistiques, religieuses ou scientifiques.

Le reste du temps, les échanges étaient strictement prohibés par la police et les espions du shogun. Malheur au japonais qui aurait aurait été pris à violer le monopole de vente aux occidentaux, ou qui aurait voulu leur acheter des livres : le médecin Siebold fut incarcéré, puis expulsé en 1830, pour avoir échangé des livres contre des cartes du Japon. Son correspondant, astronome du Shogun, fut condamné à mort.

Siebold

 

Cette politique officielle fut néanmoins violée par des japonais, parfois des grands seigneurs, qui comprenaient que l'isolement décidé par les shoguns privait le Japon de tout progrès scientifique. Ainsi, au milieu du 18ème siècle, deux médecins, Sujita et Ryotaku, décidèrent d'apprendre le hollandais et de se procurer des livres de médecine. Ils se livrèrent à des dissections plus ou moins clandestines de condamnés à mort, livre hollandais à la main et constatèrent que la médecine japonaise traditionnelle, calquée sur la chinoise, était entachée d'erreurs... Ils traduisirent et diffusèrent le traité hollandais.

Dans certains cas, les autorités shogunales assouplirent le régime d'interdiction et autorisèrent des réunions entre des scientifiques du comptoir hollandais et des japonais versés dans les Rangaku, les "études hollandaises". En 1776, le médecin et botaniste suédois Thunberg rencontra des astronomes et des médecins : " A peine arrivés à Iedo, nous reçûmes les visites de quelques savants de la ville, qui avaient obtenu du gouvernement une permission particulière de nous voir ; car jusqu'au jour de l'audience il nous fut défendu de sortir ou de recevoir qui que ce fut. [...] les astronomes me questionnèrent principalement sur les éclipses. Les Japonais ne sont pas en état de les calculer à la minute, ni même à l'heure. Comme il fallait que les demandes et les réponses passassent par la bouche des interprètes, il y avait toujours beaucoup d'incertitude et de louche dans notre conversation. [...] J'ai déjà avoué mon inexpérience en astronomie. J'avais plus de facilité pour m'entretenir avec les médecins, parmi lesquels il y en avait même qui entendaient un peu le hollandais, et les interprètes eux-mêmes étaient initiés dans la médecine".

 

Le Japon en était donc resté, en matières de sciences, au niveau de l'Europe de la Renaissance. La réouverture du XIXème siècle s'accompagnera d'une formidable quête de savoir : le Japon enverra de nombreux étudiants de par le monde et fera appel à des scientifiques, des juristes, des militaires occidentaux..

Inversement, l'art japonais n'était guère connu en Occident avant l'ère Meiji :"Les rares spécimens des fabrications exceptionnelles du Japon viennent, (...) des offrandes échangées en certaines occasions, entre les princes de l'empire et les ambassadeurs étrangers..." Le reste des objets qui parvenait alors en Occident, via le comptoir de Deshima, était de fabrication banale et, pis encore, adapté au goût des occidentaux. La même malédiction frappait les objets chinois : on allait jusqu'à importer des vases en porcelaine blanche, pour les faire peindre par des artisans européens dans un style pseudo-chinois digne de Turandot, ou du style rococo... De plus, tous les produits d'exportation asiatiques étaient mélangés dans les cales des navires occidentaux, :bien malin qui aurait pu relier tel objet à sa zone de fabrication.

 

 

"Qui n'était persuadé à ce moment que l'Extrême-Orient nous avait livré tout son art, le summum de ce qu'il était permis d'attendre d'un peuple aux mœurs primitives? On ne se douta guère que pendant le même temps, dans ce pays réputé à peu près barbare, des artistes d'élite, qui n'étaient troublés par aucun besoin matériel de la vie, parachevaient amoureusement, sous le toit féodal de leurs seigneurs -passionnés amateurs-, une foule de petites merveilles, qui compteront parmi les plus exquises expressions de goût que l'art des siècles ait produites". Siegfried (dit Samuel) Bing, "La gravure japonaise" Le Japon artistique. (Bing était un marchand d'art propriétaire d'une vaste collection. C'est grâce à lui que Van Gogh découvrit les estampes japonaises.)

La réouverture du Japon mit enfin à la disposition des artistes occidentaux une multitude œuvres d'art. Profitant de la dépréciation de la culture traditionnelle, les occidentaux purent se procurer sans trop de difficultés des trésors : telle est l'origine du fonds japonais du musée Guimet.

Exemple de "japoniaiseries" contemporaines découvertes dans un catalogue de vente par correspondance, spécial Noël, des "Trois Helvètes".

 

"Magot", petite poupée de terre cuite dont la tête articulée bouge à la moindre vibration. Une japoniaiserie fin XIXème siècle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ensemble sel et poivre. Travail japonais de la fin du XIXème siècle. Bien évidemment destiné au marché Occidental.

 

 

 

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